— Saint-Esprit — Le Saint-Esprit est la troisième Personne de la Trinité chrétienne, celle qui, de toutes les Trinités analogues, nous intéresse le plus parce qu'elle domine le courant de civilisation judéo-chrétien qui est le nôtre. Dieu est Esprit et n'est que cela. Sous sa forme non manifestée, il ne correspond pour nous à rien de concevable ; sous son aspect manifesté, au contraire, il prend une triple forme, que nous devions progressivement explorer.
Pendant l'ère juive (ère astrologique du Bélier), nous avons connu le Père. Il fut craint et respecté, nanti d'une autorité absolue, honoré par des sacrifices innombrables de boucs sur un autel cornu, choisit pour divulguer sa Loi, Moïse qu'on représente cornu. Puis l'ère du Bélier fit place à l'ère des Poissons. On cessa d'immoler des bêtes à cornes. Le Christ apparut, choisissant pour premiers disciples des pêcheurs.
Les premiers Chrétiens se reconnurent par le symbole des Poissons — gravé maintes fois dans les Catacombes de Rome. Le Christ fut un Dieu humain, n'invoquant d'autorité que celle du cœur. Actuellement, l'ère des Poissons touche à sa fin : nous entrons dans l'ère du Verseau. Après le Père et le Fils, nous allons faire connaissance avec le Saint-Esprit.
Nous savons du Saint-Esprit ce que Jésus nous en a dit. Le Paraclet, ou Esprit Saint, rendra témoignage de Lui comme il a rendu témoignage de son Père. Quand cet Esprit de vérité sera parmi nous, nous nous enseignerons les uns les autres — et la science, premier pas vers la Connaissance, pourrait bien être le premier balbutiement de cet enseignement.
Le symbolisme du Verseau et d'Uranus le fait penser... et la tournure des choses aussi. L'Esprit Saint n'a pas de visage. Il n'est jamais apparu que sous la forme aérienne de la colombe ou la forme immatérielle du Feu : c'est la subtilité même. Toutes choses cachées vont être révélées par ses soins. C'est donc, grâce à son immatérielle présence, la fin de tous les mystères. N'est-il pas patent que, pour beaucoup de contemporains, la notion de mystère comme tel est déjà rangée au rang des souvenirs ?
La Religion du Saint-Esprit frappe à la porte depuis un grand moment. Mais une religion n'éclôt pas avant son temps. Il a fallu que le Christ vienne habiter le symbole de la croix et de la Vierge Marie, qui étaient honorés avant qu'il ne parût. Ce jour-là seulement, la croix supplanta le triangle de Jéhovah. Depuis mille ans, le culte de Dieu sans visage frappe à la porte. L'étoile à cinq branches est son emblème ; elle est d'argent en Islam, rouge en Russie et blanche en Amérique. Mais l'étoile d'or ne peut être habitée que par un état de fait et cet état de fait s'organise silencieusement et sûrement parmi nous.
A l'âge du Fils, la Loi autoritaire du Père apparut sous un jour si nouveau que la vie chrétienne n'a plus guère de points communs avec la vie juive. A l'âge du Saint-Esprit, auquel nous parvenons à peine, la Loi humaine du Fils apparaît sous un jour si nouveau que la vie de demain ne s'organise même plus en regard de l'homme. Pourtant, Jésus s'est consacré à faire respecter la Loi de son Père comme les courants du Verseau œuvrent à expliciter la Loi du Christ. Mais de stade en stade, les Interdits tombent, et l'EsSaint les fera tomber jusqu'au dernier. Est-ce à dire que la Religion du Saint-Esprit soit dépourvue de morale ? N'est-ce pas ce que les Juifs de la Synagogue ont reproché plusieurs fois à Jésus...
En fait, l'Esprit de Vérité éclairera la Loi Universelle, celle à laquelle on ne désobéit pas — tout comme on ne désobéit pas à la pesanteur. Mais cette Loi Naturelle suffit ; il suffit qu'elle soit révélée pour que les Interdits paraissent vides de sens, et tombent, afin que l'Esprit apparaisse dans toute sa gloire divine, afin que l'homme comprenne que l'unité du Monde n'est pas due aux liens qui l'enserrent, mais à la cohésion que lui donne l'universelle force d'Amour.
Les liens du dogme sont appelés à tomber parce que la Vie est un principe de cohésion qui se suffit à lui-même. Les rites eux-mêmes sont appelés à sortir de leur immobilité pour retourner à la vie. Mais de même que la Synagogue est restée debout à côté de l'Église ou du Temple, desservant toute une couche humaine qui avait besoin d'elle, l'Église et le Temple continueront à desservir une couche d'humanité qui a formellement besoin d'une religion affective. Au surplus, l'Esprit Saint serait à l'étroit dans un Temple, alors que sa raison d'être est d'inonder.
La vie religieuse de demain atteindra les foules en plus d'un millénaire. Mais ceux qu'elle atteindra avant ce temps ne seront pas des êtres séparés du reste des humains. L'ascèse n'a plus de sens loin du monde puisque précisément c'est dans la vie que se trouve Dieu. Aucune Règle surajoutée à l'esclavage social ne peut rapprocher de l'Esprit, qui est au contraire Aisance et Ampleur.
La Participation est la Grande Clef ; et, parce que Dieu est partout, le seul péché est de limiter sa participation. La limitation porte mille noms : le Moi, l'Angoisse, le Refus, la Rigueur, l'Interdit, le Retrait, l'Intolérance, le Pessimisme, la Sécurité..., alors que le Dieu de Vérité est Universalité, Joie, Acceptation, Vie, Liberté, Amour, Connaissance, Enthousiasme, Risque.
Pratiquement et pour replacer le Paraclet dans le cadre de l'Évolution occulte que poursuit notre civilisation depuis quatre mille ans, l'ère du Verseau ou âge du Saint-Esprit apparaît comme l'aboutissement logique d'un rythme millénaire, comme l'extrapolation légitime des indices psychosociologiques actuels — enfin comme la conclusion normale des filiations symboliques les plus diverses, qu'on les considère à la lumière de la Tradition ou à la lumière de la pensée spéculative contemporaine.