De par son étymologie (raisonnement qui remonte vers) et de par son mode d'emploi, l' analogie est une forme de pensée qui relie les nations les unes aux autres selon des lois de similitude profonde.
Typiquement, les mathématiques nous offrent un exemple d'analogie dans la définition de la quatrième proportionnelle
A ce titre d'ailleurs, toute découverte scientifique est basée sur l'analogie. L'induction amplifiante en est la forme la plus courante ; l'hypothèse exprimée par le tableau de Mendeleief, l'exemple le plus frappant.
Mais alors que les sciences exactes utilisent surtout l'analogie quantitative, les autres sciences considèrent dans une plus large mesure l'élément qualitatif (anatomie comparée, etc.). Au-delà des sciences positives et avant l'ère scientifique, l'analogie est la seule voie d'accès à la Loi. De la permanence qualitative d'un rapport entre des séries de courants, elle fait une loi qualitative, une loi de structure.
Certes, maintes époques ont manqué de prudence et ont extrapolé d'une manière un peu gratuite ; la loi d'analogie entre le microcosme et le macrocosme est peut-être celle au nom de laquelle les pseudo-savants ont le plus déliré. Par contre, les très grands esprits en des temps où la connaissance du monde était aussi rudimentaire que possible, ont manié l'analogie avec une sûreté telle que nous en sommes encore en bien des points à redécouvrir leurs découvertes.
L'ordre des choses a fait que la pensée logique a reçu sa grammaire depuis fort longtemps, alors que la pensée analogique n'a pas trouvé son législateur — ce qui permet au médiocre de faire de bonne science alors que seuls les esprits très solides peuvent penser les lois qualitatives du monde sans se tromper lourdement.
Il convient de noter que les individus ne sont pas les seuls à considérer : les collectivités ont une pensée et cette pensée n'est pas déductive, mais analogique et symbolique ; la psychanalyse collective nous l'explique.
Dans cet ordre de choses, les notions de vérité et de fausseté n'interviennent plus et l'analogie apparaît comme un mécanisme parfaitement homogène dont la rigueur s'inscrit simultanément dans la fable et la mythologie, la tradition et la coutume, l'art et la littérature.
L'analogie est donc non seulement la clef de voûte des structures du cosmos, mais encore des structures humaines. Son processus se situe précisément à la jointure du monde considéré comme réalité extérieure et du monde considéré comme objet de pensée.
Aussi constitue-t-elle la voie royale d'accès au plus réel du réel. L'idée d'accéder au réel par l'analogie fait le fond de la plupart des spéculations numérologiques ou arithmétiques para-alchimikabbalistiques, géomantiques, etc...
Aussi l'analogie est-elle le plan sur lequel il faut se situer pour comprendre ces disciplines — notamment en s'aidant de leur parallélisme (voir au mot Correspondances).
Disons pour conclure qu'il importe absolument de lever une difficulté essentielle en matière d'analogie. Il faut distinguer l'Univers en soi (le Monde en soi, de Kant). De lui, nous ne savons rien, si ce n'est par la participation et à la condition d'avoir admis que le monde en soi est aussi le monde en nous, postulat fondamental des philosophies de l'Inde.
Cet univers, qu'on peut appeler « Univers-pensée » pour lever toute équivoque, a une vie, mais il n'a de structure que dans la mesure où nous la lui prêtons : nous l'appréhendons en fonction de notre structure de pensée. Que sa structure soit harmonique et non pas disparate, cela tombe sous le sens. Mais à ce niveau, le mot analogie n'a aucun sens, puisque ce mot indiun processus de pensée. Stricto sensu, il est donc faux de dire que l'univers est analogique : il est harmonique.
En second lieu, il y a la pensée, qui est le terme opposé du couple (il y a l'univers-pensé et, en face, la pensée qui le pense). Du point de vue de la pensée, l'univers paraît à la fois logique et analogique. C'est-à-dire que nous pouvons comprendre l'univers grâce à la logique (ensemble des processus de pensée et de règles qui en déterminent l'emploi), et aussi à l'analogie, qui en est un chapitre.
Dans les sciences notamment, la pensée emploie sans cesse concurremment la voie logique discursive, déductive et inductive, la voie logique intuitive (emploi des axiomes, des notions premières, etc.), et la logique analogique (induction amplifiante, hypothèses générales, principe de la constance des lois de la nature, notion de l'unité progressive des sciences, etc...).
En troisième lieu, il y a la participation lucide à l'univers qui est la synthèse vécue du couple Pensée et Univers-pensé. Là, il n'est plus question de pensée logique ou analogique, mais de connaissance. Assurément, cette connaissance des objets qui composent l'univers-pensé comporte la connaissance des rapports qui les unissent ; cela pour la simple et unique raison que rien n'est pensable sinon sous forme de rapports.
Or, les rapports qui unissent les objets sont des rapports : par nature, ils ne sont ni déductifs, ni inductifs, ni analogiques.
A ce niveau en effet, ces épithètes n'ont plus aucun sens puisqu'elles caractérisaient des démarches d'une pensée non encore parvenue à la connaissance.
Nous nous excusons de cet exposé philosophique, mais la question de l'analogie tient une place si centrale dans l'hermétisme — dont elle est le chemin royal — et tant de confusion règne dans les esprits à son sujet, qu'il nous a paru nécessaire, au moins pour les spécialistes, d'effectuer cette mise au point.