— Éternuement — Pénélope, dans Homère, tire un augure favorable de ce que Télémaque, en annonçant l'arrivée d'un étranger, a éternué de manière à faire retentir tout le palais. De même Xénophon, haranguant son armée, tire profit de l'éternuement d'un de ses soldats pour leur faire prendre une résolution périlleuse. Plus près de nous, on tire un présage de l'éternuement, il est excellent après dîner, mauvais le matin ; on se remet au lit lorsqu'on éternue en se chaussant, etc...
Le langage nous a transmis la trace de mythes inconscients analogues dans des expressions comme : « A vos souhaits », « Que Dieu vous bénisse », etc...
Elles se rattachent d'ailleurs assez directement à la légende rabbinique selon laquelle Dieu avait fait une loi décidant que tout homme n'éternuerait qu'une fois dans sa vie et mourrait sur-le-champ. Jacob, que cette éventualité effrayait, pria le Seigneur de l'excepter de la règle.
Il fut exaucé, éternua et n'en mourut point. Tous les Princes de la terre, informés, ordonnèrent que tout éternuement soit accompagné de veux et d'actions de grâces pour la prolongation de la vie.
Lorsque les Espagnols conquirent la Floride, située à l'autre bout du monde, ils furent surpris de voir que les Indiens avaient, à l'occasion de l'éternuement, une formule de politesse analogue à la leur, encore qu'adressée au Soleil. Au Monomotapa, l'éternuement du Roi, transmis par des signaux, met tout le monde en rumeur et donne lieu à des vœux solennels pour la santé du prince.
Au Siam et dans le Laos, lorsque quelqu'un éternue, on est persuadé qu'à ce moment même, Dieu examine et juge sa vie. Ceux qui l'entourent s'empressent de lui dire : « Que le jugement vous soit favorable. »
Une telle universalité ne peut pas ne pas avoir d'explication. On peut la chercher dans la mythologie gréco-latine qui est pour nous d'une interprétation plus aisée. L'éternuement, selon la légende, fut le premier signe de vie que donna l'homme de Prométhée : ce créateur ayant mis dans une fiole une partie des rayons du Soleil, ouvre sa fiole devant son œuvre.
Les rayons solaires pénètrent par les narines (ou selon d'autres par les pores) de la statue, la font éternuer.
Prométhée se mit en prière et fit des vœux pour la conservation de son ouvrage. Son élève l'entendit, s'en souvint, ne manqua pas d'en faire autant à chaque semblable occasion, et d'en transmettre la formule à ses descendants.
On peut faire mille hypothèses sur la particularité du phénomène de l'éternuement, qui procède d'un spasme indomptable créant dans l'instant une inhibition rapide, mais totale de tous les mécanismes mentaux. Le rejet brusque de l'air des poumons peut se prêter aussi à une interprétation facile — puisque, selon la plupart des traditions, l'air est la vie cosmique elle-même De toute façon, il est intéressant de retenir l'universalité du rite des bénédictions.